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Le plan de contrôle des AOP/IGP en France : la face cachée de la définition du lien à l'origine
Théo Martin  1@  , Delphine Marie-Vivien  1@  
1 : Innovation et Développement dans lÁgriculture et lÁlimentation
Centre de Coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement : UMR85-2007, Centre international d'études supérieures en sciences agronomiques, Institut national d’études supérieures agronomiques de Montpellier, Institut national d'enseignement supérieur pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement, Institut National de Recherche pour l’Agriculture, l’Alimentation et l’Environnement : UMR0951

Un des piliers fondamentaux des IG en France, en Europe et dans les pays ayant un système sui generis est le cahier des charges stipulant les règles que doivent respecter les produits pouvant bénéficier de l'IG, à savoir les caractéristiques du produit, la méthode de production, l'aire géographique ainsi que la justification de la protection du nom comme IG et l'existence d'un lien entre le produit et son origine géographique.

Toutefois, ce seul document, devenu succinct avec la seule publication du document unique au niveau de l'Union Européenne, suffit-il à définir la spécificité du produit, à en gérer le respect par les opérateurs et à la garantir auprès des consommateurs ? Dans de nombreux pays, et en particulier en France, l'autre document clé de voute est le plan de contrôle. Au-delà de la reprise des éléments du cahier des charges transformés en point de contrôle, associés au mode de contrôle et à leur fréquence, il apparait que le niveau de sanction est un élément essentiel qualifiant le lien à l'origine. Ainsi, selon la "directive" INAO-DIR-CAC-1, trois types de manquements peuvent être constatés : 1) manquement mineur = manquement non "rédhibitoire" pour le produit ou manquement présentant un risque faible d'incidence sur le produit ; 2) manquement majeur = manquement ayant un impact sur la qualité du produit; manquement grave ou critique = manquement sur les caractéristiques fondamentales de l'AOP/IGP (zone de production, variété ou race, ...).

Dans le cas du Reblochon, objet d'un contentieux administratif jugé en 2018, le plan de contrôle édicte, s'agissant des conditions de traite, que le dépassement de la durée de quatre heures d'une traite constitue un manquement grave, le non-respect de l'obligation d'effectuer la traite du troupeau deux fois par vingt-quatre heures, un manquement majeur, et le non-respect du délai de huit heures entre deux traites un manquement mineur.

Or justement, les tribunaux ont considéré qu'à la lecture du cahier des charges, le dépassement de la durée de quatre heures de la traite ne saurait constituer un manquement sur les caractéristiques fondamentales de l'appellation d'origine et donc un manquement grave. En l'occurrence, derrière cette durée de 4 heure de traite maximale se cachait l'impossibilité d'utiliser en pratique des robots de traite.

Ce détournement du plan de contrôle pour re-qualifier les éléments importants du cahier des charges interroge. Par conséquent et bien que le plan de contrôle fasse l'objet d'une reconnaissance par l'Inao, il serait bienvenu que son contenu soit publié au même titre que le cahier des charges, comme partie de la demande d'AOP/IGP, et ainsi faire l'objet d'une procédure nationale d'opposition, comme c'est d'ailleurs le cas pour les IG des produits non agricoles et non alimentaires protégées en France depuis la loi de 2015. Un enjeu qui est aussi celui de la transparence auprès des consommateurs, une pratique innovante de la loi de 2015 sur les IGPIA qui pourrait inspirer les AOP/IGP agro-alimentaires !


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