Repenser la gouvernance des AOP françaises au prisme de la qualité.
Pierre Le Gall  1@  
1 : Le Gall
Laboratoire d'études rurales, Univ Lyon, Université Lyon 2

Récurrente, débattue, parfois clivante, la question de la qualité est omniprésente dans la définition des appellations d'origine françaises. Elle souffre toutefois d'une délimitation fluctuante au gré des perceptions, des contextes, des crises aussi liées aux questions agricoles et alimentaires portées par la société.

Etablie à partir d'une thèse soutenue sur les mécanismes de décisions des acteurs fromagers auvergnats dans leurs choix d'expression des systèmes productifs, notre communication propose de réinvestir la question de la qualité. Plus précisément, il s'agit de démontrer comment l'interrogation des mécanismes de définition de la qualité permet de saisir le cœur de l'orientation des AOP françaises, mais aussi les divergences de voies optées par les acteurs productifs (producteurs laitiers/fermiers, transformateurs, affineurs) à la base des AOP et les conflits au sein d'une même appellation d'origine. Avec une approche pluridisciplinaire, notre travail convoque les disciplines historiques et géographiques afin de saisir les éléments contextuels ou structurants de la qualité, ainsi que les échelles et acteurs liés à sa définition.

D'abord définie sur des questions sanitaires et organoleptiques, la question de la qualité intègre progressivement, à l'aune des débats sur le développement durable, la question environnementale dans les années 1990. Les années 2000 ouvrent ensuite la voie à d'autres revendications cognitives, faisant du bien-être animal, ou encore des dimensions « fermières », « artisanales » ou les circuits courts/locaux d'autres éléments constitutifs de la qualité. Nous verrons qu'il est possible d'intégrer et de penser l'ensemble des pratiques agricoles et agro-alimentaires relevant des appellations d'origine à travers ces quatre piliers de définition de la qualité, tant dans le passé que dans le temps présent. Loin d'être restreinte aux seuls acteurs productifs, nous détaillerons aussi quels sont les acteurs, structurants ou interstitiels, convoqués et participant à sa construction. En effet, l'ensemble des conditions de productions du lait et des fromages sous AOP est régi à partir de quatre grandes catégories d'acteurs : les acteurs productifs, l'Etat, la recherche scientifique et le consommateur. Entre ces catégories interviennent d'autres acteurs aux capacités modulantes plus fluctuantes au gré des contextes et des connivences.

Cette communication propose ainsi de penser, grâce et à travers la définition de la qualité, les choix de production, y compris ceux sanctionnés dans les cahiers des charges, de l'exploitation agricole à la gouvernance d'une AOP. Nous démontrerons que ce cadre théorique peut à la fois interroger la phase de rationalisation agricole d'après-guerre, les innovations agro-industrielles, puis l'émergence du terroir et de l'agro-écologie. Nous évoquerons les échelles spatio-temporelles d'expression de la qualité, tout comme les acteurs concernés. Initiée sous l'angle des AOP auvergnates, la réflexion ouvrira ensuite à l'ensemble des produits sous labels français. Ni héritée, encore moins inventée, la qualité est un processus itératif mais non cumulatif, socialement construit, en lien avec une diversité d'acteurs dont les systèmes de production tentent d'en produire une synthèse plus ou moins robuste à des fins de durabilité des modèles économiques.


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