AOP et AB : quelle disposition à payer des consommateurs pour la double labellisation ?
Tifenn Corre  1@  , Sylvette Monier-Dilhan  1@  , Julie Regolo  1@  
1 : Observatoire des Programmes Communautaires de Développement Rural  (US ODR)
Institut National de Recherche pour l’Agriculture, l’Alimentation et l’Environnement
Auzeville -  France

AOP et AB : quelle disposition à payer des consommateurs pour la double labellisation ?

Dans le contexte de profusion des signes de qualité qui caractérise le secteur agroalimentaire, se pose la question de leur capacité à informer le consommateur sur les qualités du produit, et ainsi dégager de la valeur, notamment lorsqu'un produit bénéficie de plusieurs labels.

Dans cet article, nous évaluons la disposition à payer (dap) des consommateurs pour des fromages sous Appellation d'Origine Protégée (AOP), en Agriculture Biologique (AB) ou avec les deux labels (AOP et AB), par rapport à un “fromage de base” sans label. Le label AOP est très présent dans le secteur fromager (20%) et l'AB bénéficie d'un fort développement (comme dans beaucoup de secteurs de l'agroalimentaire).

Ce papier s'inscrit dans la littérature mesurant la disposition à payer des consommateurs pour les signes de qualité en présence de plusieurs signes sur un même bien (Loureiro et McCluskey, 2000 ; Hassan et Monier-Dilhan, 2002 et 2006). Ces travaux concluent que la disposition à payer pour un label dépend, de manière décroissante, du niveau de qualité initialement perçue par les consommateurs, notamment des autres signes de qualité dont le produit bénéficie.

Notre étude est menée sur trois segments de marché du secteur fromager à partir des données de prix des achats des ménages français en 2017 (panel KANTAR). Le nombre d'actes d'achat est de 305 141 sur le segment des pâtes pressées cuites de vache, de 79 739 pour les fromages à pâtes persillées et de 92 779 pour les camemberts.

La mise en œuvre de la méthode des prix hédoniques permet d'estimer la dap pour chacun des signes officiels de qualité. L'originalité de cette étude est de mesurer la dap pour l'AB par rapport au bien de base et par rapport au bien bénéficiant de l'AOP. Notre analyse tient compte de l'existence de marques (nationales ou de distributeurs), du circuit de distribution et du format de vente.

Les résultats donnent du crédit à une complémentarité de ces signes officiels de qualité et d'origine: la dap des consommateurs pour les produits issus de l'agriculture biologique est positive et significative pour tous les fromages AOP étudiés (le Comté, le Roquefort, les bleus AOP et le Camembert de Normandie). En cohérence avec la littérature, nos résultats montrent que l'effet marginal du label AB sur la dap des fromages AOP est parfois plus faible que pour un fromage de la même famille sans label AOP, en particulier lorsque les fromages AOP sont fortement différenciés (Comté, Roquefort). Ainsi, pour les consommateurs, le label AB peut représenter un moindre supplément de qualité lorsqu'il s'applique à un bien AOP (dont la qualité perçue est déjà élevée), que lorsqu'il s'applique à un bien de base.

Du point de vue producteur, il serait intéressant d'examiner dans quelle mesure l'ajout de signes de qualité se réalise également à coûts décroissants, pour conclure en termes d'incitations économiques du passage à l'AB pour les AOP.

 


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