Actes de la Conférence > Contributions par auteur > Tillard Guylène

Le dérèglement causé par la crise Covid a enlevé des certitudes et des habitudes et contribue à l'accélération des transitions des systèmes alimentaires. Il engage les AOP à s'interroger sur leur capacité à être acteur de ces transitions. Tenant compte des enjeux du développement durable, les AOP, dans le cadre du CNAOL ont engagé une réflexion sur la durabilité de leurs filières et les actions à renforcer pour accroître la durabilité sociale, environnementale et économique. Cette crise a mis en avant le fait que l'adaptation à une future crise doit se penser à différentes échelles qui vont du local au national et du circuit court au circuit long. Dans cette recherche d'adaptation, les AOP peuvent avoir un rôle de coordination des opérateurs, de mise en cohérence de leurs stratégies au regard du produit AOP vu comme un bien commun, afin d'assurer dans le temps le maintien de ces équilibres[1].

Les attentes des consommateurs-citoyens envers les AOP et IGP évoluent. Elles ne sont plus seulement sur les principes fondateurs des IG (origine et lien au terroir), mais tendent vers une approche plus globale intégrant le respect des ressources, la préservation de la biodiversité ou encore le bien-être des animaux et des hommes.

Et si de nombreuses initiatives (privées ou publiques, locales ou nationales), ont vu le jour pour qualifier certains engagements, elles buttent sur la capacité à donner un sens commun sur ces engagements spécifiques et territorialisés. Et surtout elles, avaient le défaut de ne pas traiter des 3 piliers de la durabilité et de ne pas valoriser les engagements historiques des dispositifs IG : valorisation des ressources locales, pratiques traditionnelles adaptées au contexte, organisation collective et gouvernance partagée.

Et si le premier confinement pendant la crise Covid a servi de révélateur de certaines fragilités des AOP laitières (dépendance à certains marchés, manque de réactivité), il a aussi mis en évidence une grande force, à savoir la résilience des collectifs, tant interne aux filières AOP et IGP, que dans la sphère d'influence élargie des AOP et IGP (sympathisant, chaine de distribution, consommateur).

A partir de ce constat, le collectif des AOP laitières, réuni au sein du CNAOL, a engagé une vaste réflexion sur la durabilité des filières, tant du point de vue temporel, que sur les 3 piliers de la durabilité : environnemental, social et économique.

Ce travail de 6 mois a abouti à une démarche consolidée, accepté par tous les collectifs d'AOP et IGP laitières pour valoriser, et renforcer d'ici 2030 les engagements en faveur de la durabilité.

Dans le contexte de la crise Covid, le CNAOL et les ODG ont dû adapter leur méthode pour coconstruire la démarche. De nouvelles techniques d'animation ont été mises en place : atelier en visioconférence, en groupe et participatif. La gouvernance du CNAOL avait pour rôle de suivre les avancées de la réflexion et de valider les grandes orientations. Le tout en lien avec les pouvoirs publics (administrations, INAO) et les interprofessions pour assurer un maximum de cohérence.

A l'issue de ces travaux, le CNAOL a établi un cadre commun d'engagement pour les 51 AOP laitières. Chaque AOP est invitée à apporter des réponses aux 18 objectifs de la démarche qui répondent aux grands principes de la durabilité[2].

Ouverture :

Le cadre de gestion des IG en France porte les fondements de la durabilité, avec des engagements sur la gouvernance, la valorisation des ressources et des savoir-faire, la localisation de l'économie. Le cadre collectif est une source de résilience et de capacité à trouver des solutions, mais cela suppose le renouvellement de ces collectifs pourtant contraints par la baisse du nombre d'opérateurs. L'expérience d'AOP laitières durables montre que le domaine des IG dépend de décisions administratives sans être une économie administrée. Cette dépendance implique une relation particulière avec les autorités administratives de tutelle, mais plus largement avec l'environnement socio-professionnel et les élus, aux échelles locales, françaises et européennes.